Les trous noirs sont d’incorrigibles gloutons, des mangeurs d’étoiles, des dévoreurs de monde. Quand une chose les met en appétit, ils n’hésitent pas à traverser tout l’univers pour y goûter.
Ils passent le plus clair de leur temps à écouter l’Espace à la recherche de nouvelles friandises. Et leurs oreilles sont si puissantes qu’elles peuvent entendre le froissement d’un papier de bonbon à des milliards de kilomètres. Mais que feraient-ils d’un simple bonbon?
Heureusement leur imagination n’a pas de limite. Le craquement d’une étoile qui s’effondre sur elle-même est pour eux comme le croustillement d’une crêpe dentelle. Et le Bim Bam Bang d’une météorite qui rebondit au coeur d’un champ d’astéroïdes leur met l’eau à la bouche comme le crépitement du popcorn.
Un beau jour, alors qu’ils écoutent encore et toujours l’univers, ils entendent aux confins de l’espace le nom d’une toute nouvelle galaxie. Et ce nom est pour eux terriblement appétissant : c’est la Voie lactée.
Aussitôt les voilà partis... Après un long périple, ils ne sont pas déçus quand ils arrivent sur place. La Voie lactée est fantastique: comme des nuages de crème chantilly flottant tranquillement au coeur de l’Espace.
Les gloutons nouent alors leur serviette et s’apprêtent à passer à table, quand l’un d’eux remarque une magnifique petite planète, toute bleue, blottie dans un coin de la galaxie.
_ « Oh! Qu’elle est jolie celle là! Je me demande quel goût elle peut avoir avec sa drôle de couleur? » _ « Elle doit être délicieusement sucrée. répond l’autre. C’est la cerise sur le gâteau! Dommage qu’il n’ y en ait qu’une comme elle.»
Pendant ce temps là, sur la petite planète, les habitants ont peur. Ils ont vu apparaitre dans le ciel une bouche béante qui menace d’engloutir leur monde. Mais que peuvent-ils y faire? Ils sont si petits.
Alors ils sortent de chez eux pour regarder le ciel une dernière fois. Les amis qui étaient fâchés se réconcilient, les parents embrassent leurs enfants en les serrant très fort dans leurs bras. Les inconnus se tiennent par la main. A ce moment, toute l’atmosphère de la petite planète s’emplit d’amour.
Mais il est trop tard. Gloups!! Le trou noir ne fait qu’une bouchée de la petite planète. Et pourtant, surprise!!! A peine l’a-t-il gobée qu’il la recrache aussitôt en faisant une terrible grimace.
_ « Pouah! Quelle horreur! C’est ignoble!! dit il. Trop d’amour! Beaucoup, beaucoup trop d’amour! Ca lui donne un goût atroce. Un goût?... Un goût?... Un goût d’ail ! » _ « De l’ail !? Vraiment? répond l’autre. Beurk! C’est Dé... GOU... TANT! Partons d’ici, ça m’a coupé l’appétit. »
Alors, aussi vite qu’ils sont arrivés, les trous noirs gloutons rentrent chez eux, laissant tranquille la petite planète bleue. Et ils ne reviendront jamais. En tout cas, pas tant qu’il y aura ici autant d’ amour. Cet amour qui donne à la petite planète un si épouvantable goût d’ail.