Grisgiu l'âne têtu

Une lumière rosée éclaire le ciel, le soleil n'est pas encore là, mais sa chaleur irradie déjà toute la vallée. Il va encore faire très chaud aujourd'hui. Je n'ai pas dormi dans ma petite cabane cette nuit car mon maître m'a fait travailler tard hier soir, alors je suis resté là, près de sa maison, attaché au figuier.

Mon maître s'appelle Joseph, c'est un bon maître, il me fait travailler dur mais moins souvent que mes copains de la vallée. Deux à trois fois par semaine seulement, je porte sur mon dos des "sporta" remplies des récoltes de son exploitation : des figues, des amandes, du raisin , toutes ces bonnes choses que Joseph cultive dur, mais avec amour et savoir-faire.

Sa maison est située tout en haut de la colline et la pente est raide, alors quand nous rentrons le soir, lui de son pas lent mais assuré, et moi bien chargé, nous soufflons beaucoup et nous arrivons bien fatigués à la maison.

M'avez- vous découvert ? Oui c'est cela, j'ai de grandes oreilles, des pattes fines et élancées, un flanc puissant et on me dit têtu. Oui je suis un petit âne gris et corse, têtu? Ah ça oui! Et l'on m'appelle Grisgiu. Ma vie ressemble à celle de mes copains de la vallée mais à ceci près que depuis quelques jours, mon maître a reçu son petit-fils François pour les vacances et là, tout mon quotidien s'est trouvé chamboulé !

François est un petit garçon de 7 ans, c'est un enfant de la ville, il ne connaît rien à notre vie paysanne et surtout il me prend pour ce que je ne suis pas ! Voilà-t-il pas que l'autre matin, alors que nous descendions à la propriété, Joseph, le petit François et moi, que le petit demande à monter sur mon dos ! Evidemment, mon maître n'a pas refusé et me voilà chargé de bon matin ! Oh la la, la journée commence bien !

Arrivés en bas sur la propriété, mon maître, comme d'habitude, ouvre la "casetta" et se prépare pour sa matinée de travail. Et moi, normalement, il me descend à ma petite cabane où je me repose et broute ce que je veux. Mais cette fois-là, rien à faire, François avait décidé de rester sur mon dos ! Il avait mis un grand chapeau, une ceinture avec des pistolets et me donnait de sérieux coups de talons pour me faire avancer !

"Ma parole , mais il me prend pour un cheval ! Hum, je vais avancer un peu pour le contenter mais cela ne va pas durer , il va vite comprendre qui je suis !"

Grisgiu avance un peu plus vite, longe les orangers et arrive au bord du terrain là où la végétation est un peu plus touffue, composée d'arbustes piquants et fait séparation entre deux terrains. Pendant que Grisgiu avance d'un pas bien déterminé, François est heureux, il se voit comme dans ses livres d'images, un cow-boy vivant dans les grandes plaines du far west, gardant les troupeaux et chassant les indiens ! Mais c'était sans compter sur la malice du petit âne!

Grisgiu longe les arbustes bien piquants, François est en short, c'est l'été ! - Ah! Je crois qu'il va vite comprendre qu'on ne me mène pas comme cela. - Aïe, aïe, mais qu'est-ce que tu fais ? Où tu m'as emmené ? Ca pique ! Allez, on s'en va de là. Allez, ouste ! Grisgiu ne l'entend pas de cette oreille, il continue de longer les arbustes, bien décidé à ne pas céder et faire descendre François de son dos pour qu'il puisse enfin se reposer dans sa cabane.

François a beau donner des coups de talons de droite et de gauche, rien n'y fait, Grisgiu continue son chemin. Adieu les rêves, les grandes plaines et les Indiens, François est bien forcé de descendre. "Hi han, hi han ! Ah enfin, je vais pouvoir me reposer dans ma cabane. Quel bonheur ! En attendant d'attaquer la remontée du soir chargé de mes cabas, mais ça, c'est une autre histoire ! »

Fin

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