La maison carnivore 1

Nicolas vivait seul avec sa mère dans un petit studio, dans une petite ville où la vie n'était pas vraiment trépidante.

L'été se finissait et il allait quitter la petite enfance pour faire sa rentrée chez les grands, au collège. La boule au ventre qu'il ressentait parfois en pensant à cette rentrée ne s'estompait qu'à de rares occasions. Quand lui et sa mère riaient aux éclats ou quand il regardait la vieille bâtisse abandonnée qui était au coin de leur rue.

Une maison de conte de fée, non pas le château de la princesse, plutôt la masure de la méchante sorcière. Des volets de guingois, une porte en bois toute écaillée, un jardin pratiquement abandonné où des boîtes de conserves et des bouteilles de verre jonchaient le sol.

Mais en même temps cette maison l'inspirait. Des armoiries, représentants deux hallebardes croisées sur fond rouge qui surplombaient l'entrée, le fascinaient. En regardant attentivement, on apercevait sur le beau portail d'entrée en fer forgé complètement rouillé, des arabesques magnifiques qui le faisaient rêver.

Cette maison avait mauvaise réputation. Sa mère l'appelait parfois, avec un étrange regard, la maison carnivore. D'après elle, la maison était hantée et finissait toujours par manger ses habitants. Sa mère disait, également, qu'un vieil ermite, un peu fou, vivait encore à l'intérieur et qu'il ne sortait que rarement, le soir, et toujours seul. Elle lui avait interdit de lui adresser la parole, si, par le plus grand des hasards, il croisait son chemin. Mais Nicolas ne l'avait jamais vu.

Deux jours avant la rentrée, la boule au ventre qu'il ressentait semblait s'être transformée en boulet de canon chauffé au rouge. Il devait absolument penser à autre chose, et comme sa maman était occupée, il prit son courage à deux mains et décida d'aller sonner à la maison du vieux fou d'à côté... juste pour voir.

Ainsi s'imposait-il une épreuve de courage qui devait le renforcer et lui permettre de mieux affronter sa rentrée "dans le monde des grands". De l'audace naîtrait le courage, du courage naîtrait la confiance en soi. Du moins l'espérait-il...

Le soir tombait à peine. Au pied du magnifique portail, il chercha un moment mais n'aperçut aucune sonnette, aucun interphone. A y regarder de plus près, il distingua dans les lueurs rougeoyantes des derniers nuages éclairés par le soleil couchant, une chaîne rouillée, cachée par du lierre grimpant sur le côté du portail.

Sa main, légèrement tremblante, agrippa la chaîne, et il la tira d'un grand coup sec. Aussitôt résonna un affreux son, une clochette au timbre de crécelle. Un tintement éraillé mua le silence de la nuit en tonnerre inquiétant. Nicolas blêmit : "Allons, le plus dur est fait!" se dit-il. Ce vieux fou n'allait certainement pas répondre. Il décida de patienter tout de même un peu, le temps de compter (très vite) jusqu'à 100. Quand il fut arrivé à 90 il aperçut une ombre vacillante qui descendait la petite allée, bordée de lauriers roses, qui longeait la maison.

Lorsqu'enfin il vit le vieil homme, qui lui ouvrait maintenant le portail, il fut surpris. Barbu et plutôt négligé, la chevelure poivre et sel en bataille, rien ne paraissait rassurant dans cette silhouette. Deux détails fascinaient cependant Nicolas : les yeux vifs du propriétaire qui étaient d'un bleu délavé mais qui paraissaient rieurs, et surtout un magnifique porte cigarette en argent qui semblait complètement hors de propos et qui surtout ne contenait aucune cigarette. Il pendait, toutefois, à la commissure de ses lèvres et paraissait briller de mille feux. Peut-être était-il en argent ?

Quelques secondes plus tard, le curieux personnage le faisait disparaître dans ses poches. "Et bien bonhomme ? Que veux-tu ?" tonna-t-il d'une voix forte. Nicolas bégaya, bredouilla, bafouilla puis parvint enfin à se présenter en indiquant qu'il était passionné d'histoire et voulait savoir si il pouvait admirer les armoiries qui ornaient la maison.

Ravi de l'intérêt que l'enfant présentait, le vieil homme fit un effort et l'accueillit en répondant, avec patience, aux questions de Nicolas. Ce fut le début d'une belle amitié, Louis, le vieil homme, était amusé par le petit Nicolas.

à suivre...

Fin

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