Mémé perd la tête

J'ai cinq ans et je vis avec ma maman Bergamotte, cheveux roux emmêlés, toujours active, occupée à nous surveiller et à travailler. Maman travaille dans un magasin de dessous féminins. Elle n'en parle pas trop. C’est quoi les dessous féminins (des jambes, des pieds à vendre pour les remplacer quand ils sont trop moches?). Papa, Trispouille, lui, est grand et mince et ne parle pas beaucoup. Il est musicien et joue du triangle dans un orchestre.

Mes deux frères, Tamis et Simat ont 7 et 9 ans et se chamaillent tout le temps. Ma grande sœur, Cristal a 13 ans et est belle et gentille, je veux me marier avec elle mais on me dit toujours que ce n'est pas possible. Pourquoi ?

Il y a aussi mémé Papillon qui vit avec nous depuis quelques mois car elle « perd la tête ». Je ne comprends pas qu'on ne puisse pas la retrouver ; j'ai essayé de chercher mais elle a une tête, toujours la même, est-ce qu'elle a été remplacée ? Et puis comment on peut perdre la tête et où ? Est-ce que ça va m'arriver à moi aussi ? Depuis, je porte toujours un foulard autour du cou en me disant que comme ça, je risque moins de perdre la mienne.

Ce matin, il fait beau et on est tous à table pour le petit déjeuner, on traîne, c'est dimanche, c'est cool. Il y a des tartines, du beurre, de la confiture, des croissants, tout ce que j'aime... Tout à coup, maman déboule de la chambre de mémé en hurlant : « mémé a disparu » ! « Qu’est-ce que tu racontes » dit mon père, toujours calme. « Attends, je vais avec toi dans la chambre, tu n'as peut-être pas regardé partout ! » Quelques minutes après, ils reviennent tous les deux : « personne dans la chambre ni dans la salle de bain ».

Tout le monde se lève et court dans toutes les pièces : mes parents explorent les chambres, ma sœur le salon, moi la salle à manger et la buanderie...Ensuite, on se rue vers le garage, personne ! Mes frères filent dans le grenier, trop heureux de pouvoir explorer cette pièce sombre et poussiéreuse, pleine de surprises. Encore rien. Puis on se dirige tous vers le jardin, lui aussi est exploré à fond : les buissons, les arbres, la cabane... Rien, nada ! « Il faut appeler la police » dit mon père.

« Allons d'abord faire un tour dans le quartier « répond maman. Chacun est chargé d'un secteur et de plusieurs rues : rendez-vous dans 30 minutes. Au retour, on est rouge, essoufflé, mais toujours pas de mémé ! La tristesse et l'angoisse se lisent sur les visages.

Soudain, j’entends des pleurs qui viennent de la chambre de bébé. Oui, au fait, on a aussi une petite sœur de 3 mois, Capucine, qui dort dans une toute petite chambre au premier étage. On ne voulait pas la réveiller car elle s'est rendormie en fin de matinée après avoir beaucoup pleuré cette nuit. Maman dit : « voilà, elle s'est réveillée maintenant avec toute cette agitation ! » Elle se dirige vers la chambre pour s'occuper du bébé et se fige en ouvrant la porte : mémé est assise sur un fauteuil à côté du berceau et Capucine est dans ses bras.

« Mémé, tu étais là depuis tout à l'heure. Tu ne nous a pas entendus t'appeler ? » « Comment, que se passe-t-il, pourquoi personne ne s'occupe de cette petite ? » Répond mémé. C'est la première fois que mémé va dans la chambre de Capucine et s'en occupe et personne n'a le cœur de la gronder. On est si content de la retrouver même si « elle a perdu la tête ».

Fin

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