L'odyssée d'un petit flocon de neige

Je suis né un soir d’hiver, très haut dans le ciel, au-dessus d’une grande ville. Je n’ai ni père, ni mère mais j’ai des milliers, que dis-je, des millions de frères et soeurs. Au début, j’ai eu peur. Mais quel nouveau-né, découvrant le monde, n’a pas peur? Et puis tout est allé très vite.

Nous avons quitté le cocon glacé de notre gros nuage et nous voilà partis! Petites étoiles givrées, ballotées de gauche à droite, au gré du vent. Le vent, mon premier ami. Celui qui ralentit ma chute mais surtout mon sauveur, car il m’emmène loin, très loin, des lumières et de la chaleur -fatale- de cette grande ville.

Voilà donc le début de mon odyssée. L’odyssée d’un petit flocon de neige. Un petit flocon de rien du tout. Une goutte d’eau glacée cristallisée, voilà tout ce que je suis. Et pourtant! Mon voyage m’emmènera bien plus loin que je l’aurais espérer.

Après la ville, la campagne s’étend à perte de vue. Il est très tôt et, dans l’aube qui se dessine, tout semble immobile. Seules quelques volutes de fumée, s’échappent des cheminées des fermes alentours. Les prés sont désertés. Les vaches, les moutons et les chèvres ont regagné la chaleur réconfortante de leurs étables et de leurs bergerie. Réconfortante, pas pour moi, car ce que je préfère c’est le froid! Le vent a faibli en passant au-dessus d’une grande rivière gelée et j’ai cru que c’était là que je finirais ma vie. Juste le temps d’apercevoir les bonnets tourbillonnants de quelques patineurs ravis et d’entendre les éclats de rire des enfants. Puis les bourrasques ont repris.

En un rien de temps, je me suis retrouvé, face à face, avec une majestueuse montagne. Plusieurs de mes frères et soeurs se sont arrêtés là, mais pas moi. J’ai longtemps tourbillonné au-dessus des pistes enneigées et des forêts de sapins blancs, comme un ultime au-revoir, puis le vent m’a emporté loin, très loin.

Mais où suis-je? L’air a un goût salé. Que c’est beau, tout ce bleu ondulant à perte de vue! Dans un cri strident, un oiseau des mers, me confie qu’il s’agit de l’océan. Sous moi, j’aperçois de frêles embarcations, luttant courageusement contre les assauts des vagues. De gros chalutiers remontent leurs filets, chargés de poissons. Que se passe-t-il? Je tombe! Serait-ce déjà la fin?

Non! Mon ami,le vent, s’est remis à souffler de plus belle! Je reprends mon ballet au-dessus d’autres villes et d’autres campagnes. Les montagnes se succèdent, puissantes étendues de neige et de roc. Je vole encore, longtemps. Puis, plus rien. Devant moi, tout est blanc. Je distingue quelques créatures, blanches, elles aussi, pour la plupart. Le voilà mon paradis! Je sais qu’il faut que je me pose. « Eh toi, le vent! Mon ami, mon compagnon de voyage, tu dois me laisser descendre. Je sens bien que mon périple s’achève ici! »

Ca y est! Je tombe, mais je n’ai pas peur. Le plus délicatement possible je me pose sur le sol poudré. C’est la fin de mon odyssée mais c’est aussi le début d’une autre. Sur cette terre gelée, mêlé à d’autres flocons de neige, une nouvelle vie s’offre à moi. Vais-je rester ici jusqu’à la fin? Vais-je voyager à nouveau? Emporté -mais pas trop longtemps pour ne pas fondre!- dans la fourrure d’un animal ou sur le manteau protecteur d’un chasseur de rennes? Vais-je errer, un temps, au milieu des océans? Quand le sol, sur lequel je suis posé, se détachera du reste, comme un gros navire sans capitaine. Seul l’avenir me le dira… Mais ça, c’est une autre histoire!

Fin

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